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Plastic Pandora
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9 décembre 2009

Le Silence


boomTout d'abord, comme la prothèse qui remplace un membre, le téléphone est supposé réparer artificiellement les dégats de ce monde-là, qui fait de nous les rouages de la machine à produire et à consommer en masse, à faire la queue au supermarché, au multiplex, au télésiège, au péage d'autoroute. Sans doute les opérateurs ont-ils raison d'attribuer le succès du portable à la crainte "d'un monde potentiellement hostile" et sans doute ont-ils quelque intérêt à renforcer un peu plus cette hostilité du milieu, à chaque lancement d'un nouveau service ou d'une nouvelle norme de communication sans fil.



Mais la prothèse se substituant au membre, les machines nous privent de l'usage de nos facultés.


Depuis la voiture, les citadins ne savent plus marcher pour les trajets les plus minimes (plus de la moitié des déplacements en voiture concernent des trajets de moins de 3km), et, se plaignant de l' "épidémie" d'obésité qui les frappe, de la pollution, des morts sur la route, des guerres pour le pétrole, etc, ne songent même plus à retomber sur leurs pieds (mais plus sur la pédale de la voiture)
Ils ont oublié comment on vivait sans voiture, et cet oubli est une amputation.


La prothèse s'est faite handicap.


Observons les utilisateurs de téléphones mobiles : devenus incapables de se repérer dans l'espace et d'être à l'heure à un rendez-vous (parce qu'ils croient pouvoir être partout à la fois ?), incapables même d'imaginer comment faire pour retrouver quelqu'un quelque part sans portable, ils ont en outre perdu la faculté de vivre le présent. Amputés de leur présence au monde, ils s'envoient des SMS pendant que le train traverse des paysages inconnus.

boom

Non seulement le téléguidage rend le territoire virtuel, mais le bavardage incessant au portable transforme la vie en son commentaire - partagé malgré eux par les voisins du bavard bruyant. Une extraction de la réalité qui culmine avec les fonctions appareil-photo et caméra désormais intégrées à tous les téléphones. L'important n'étant plus ce que l'on est en train de vivre, mais les images qu'on en tire. Même les chanteurs pop s'émeuvent de ces forêts de portables tendus à bout de bras par des spectateurs pressés de les mettre en boîte.



"Tout ce qui était directement vécu s'est éloigné dans une représentation"


Le portable s'avère l'inverse de ce qu'il prétend être - un outil de communication. Depuis combien de temps n'avez vous pas eu de conversation non interrompue par une sonnerie ? (J'ai même entendu parler une fois d'un ébat amoureux interrompu par un coup de fil..) Conditionnés, nous trouvons ça normal mais faisons un pas de côté : regardons-nous, la bouche ouverte, stoppés par le réflexe pavlovien de nos interlocuteurs plus pressés de répondre au coup de sonnette que de nous laisser finir notre phrase.


boom


On en est là.


L'histoire retiendra peut être que la civilisation occidentale du XXIe siècle fut celle des "brouilleurs de portables" installés dans les salles de spectacle et de cinéma pour remplacer la faculté d'attention aux autres.


Le progrès sans doute.


Devenus accros à ce gadget comme les fumeurs à leur tabac, les bébés à leur tétine (comme celle-ci on porte son portable autour du cou) et les déprimés à leurs anxiolytiques, les propriétaires de portables passent leur temps à vérifier qu'ils n'ont pas oublié leur téléphone, que celui-ci est bien chargé, qu'ils n'ont pas reçu de nouveaux messages, etc, et ajoutent à l'hostilité perçue du monde un motif d'angoisse supplémentaire : le risque de se faire voler leur appareil (la hausse des chiffres de la délinquance doit beaucoup aux vols de portables). 

On déclare d'ailleurs "retourner plus volontiers chez soi pour récupérer son portable plutôt que ses papiers en cas d'oubli"


Voilà le sans-fil sous son vrai jour de fil à la patte supplémentaire. 
Voilà l'autonomie de l'individu un peu plus cabossée par un prothèse techno qui dispense de trouver en soi les ressources pour se démêler des aléas du quotidien. 
Voilà achevée la couverture totale du territoire, jusqu'aux sommets de montagnes, devenus des squares où il n'y a qu'à sonner pour être secouru en hélico.
Voilà enfin effacée la frontière entre vie privée et vie publique, mêlées dans la même obsession du contact permanent.

boom

Je me sentais libre avant d'avoir mon portable. Je n'étais pas tenu de répondre présente si on cherchait à me joindre. Maintenant si je ne réponds pas on croit que je "fais la gueule" ou un truc comme ça..

Moi qui étudie l'économie et plus particulièrement les entreprises se que j'ai compris c'est que les entreprises ont elle même bien compris l'intérêt de ce boulet aux pieds de leurs employés. Désormais joignables tout le temps, ceux-ci n'ont plus d'excuses pour ne pas se consacrer entièrement à leur tâche.

Voyages en train, embouteillages, files d'attente, pauses : tout ce temps doit être rentabilisé en gardant le contact avec le bureau. Vitesse, rentabilité, flexibilité, le portable est l'outil idéal du business (moi même je l'ai bien compris) : les entreprises le considèrent comme le deuxième moyen de communication facteur de productivité (je vous laisse deviner le premier..)


 

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Commentaires
M
Tu as bien raison, mais vraiment maintenant mon téléphone je m'en sers que quand j'en ai besoin, on cherche pas à me joindre ou à peine donc je ne suis pas accrocher à lui j'y regarde surtout souvent l'heure et me permettre de joindre ma famille et mon copain car je peux pas les voir tous les jours.
Plastic Pandora
  • Après de long moment à réfléchir. Il est temps de m'écrire moi-même. Toujours à me poser dans le monde - le petit nuage - des autres - sans avoir de port d'attache, j'ai décidé qu'un blog serait le parfait support pour livrer une partie de moi aux autres.
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